Qui est le propriétaire du code d’une application ?
La propriété du code créé par un développeur est un sujet complexe à aborder sous différents angles. Un développeur peut souvent être amené à créer du code pour son employeur ou client. Dans ces situations, il est important de comprendre qui possède le droit de propriété sur le code créé
Alors que l’Intelligence Artificielle n’était qu’un concept, la question de la propriété du code m’était déjà souvent posées. Aujourd’hui, cette nouvelle variable vient quelque peu changer la donne. Voici donc l’adaptation - version 2023 - de ma réponse à la question : « Qui est le propriétaire du code d’une application ? ».
Lorsqu’un développeur travaille sur un projet, la propriété du code créé est un sujet complexe qui doit être abordé sous différents angles. Un développeur peut souvent être amené à créer du code son employeur ou pour son client. Dans ces situations, il est important de comprendre qui possède le droit de propriété sur le code créé.
La propriété du code d'un développeur dépend du contexte dans lequel il évolue. Dans le cas d’un développeur employé par une structure, le code créé appartient généralement à son employeur. Dans le cas d’un développeur indépendant créant du code pour un client, les termes de la propriété du code doivent être discutés et définis clairement en amont. Il est également important de tenir compte de l'utilisation de bibliothèques tierces et de respecter les licences qui y sont associées.
Si vous avez un projet secret mais aucune compétence en développement informatique, naturellement, vous faites appel à un spécialiste qui saura développer votre idée. Qui est alors propriétaire du code de votre application ?
Pour répondre à cette question, il convient de considérer deux aspects : un volet juridique et un autre volet ne pouvant être négligé, l’aspect pratique. Un troisième critère qui ne peut être négligé est celui de l’arrivée fulgurante de l’Intelligence Artificielle et du bouleversement impliqué.
La propriété du code d’un point de vue juridique
En l’absence d’une clause de cession des droits d’auteur
Lorsqu’un développeur crée un programme, il dispose des droits d’auteur, le caractère original du logiciel étant un préalable nécessaire à la protection (notamment lié à l’effort personnalisé de son auteur, au-delà de la simple mise en oeuvre d’une logique automatique).
En l’absence d’une clause de cession des droits de propriété intellectuelle dans le contrat, le client qui « achète » un programme (ou un site Internet) auprès d’un prestataire, n’acquière en réalité qu’un droit d’utilisation du programme (ou du site Internet). Le programme développé (ou le site Internet) appartient à celui qui l’a développé.
Le client ne devient pas automatiquement propriétaire du programme par le simple fait de payer une prestation.
La cession des droits de propriété intellectuelle, pour être effective et opposable juridiquement, doit obligatoirement être constatée par écrit et respecter les conditions fixées par la loi.
Cas d’un développement effectué par un salarié de prestataire
Dans le cas où le développeur est salarié, ses droits sont cédés à l’entreprise qui l’emploie dans la quasi-totalité des cas (par le biais d’une clause dans son contrat de travail le plus souvent).
Lors d’un développement, ces droits sont cédés au client par le biais d’un contrat de cession de droits d’auteur et l’entreprise/prestataire indépendant n’est pas autorisé(e) à en réutiliser le contenu.
Toutefois, il est nécessaire d’avoir conscience de certaines spécificités liées au métier de développeur et les contraintes liées au terrain sont à prendre en compte.
D’un point de vue pratique
Langages de programmation
Pour coder, un développeur utilise un langage de programmation. À l’instar d’une langue parlée, il existe des synonymes à un mot mais un mot a un sens qui lui est propre.
Lorsqu’un développeur code un programme, il développe des fonctionnalités. Celles-ci, bien qu’elles puissent être codées de manières diverses, peuvent l’être d’une façon optimale; aux yeux du développeur tout au moins.
De manière caricaturale, si un développeur doit développer un programme qui permet d’additionner deux nombres, il sera difficile de le contraindre à utiliser l’opérateur de soustraction, sous le prétexte qu’il a utilisé l’addition dans un précédent projet.
Communauté de développeurs
À chaque langage de programmation appartient une communauté, plus ou moins grandes selon le niveau de popularité du langage de programmation. Parmi ces communautés, certains développeurs mettent à disposition des morceaux de code pouvant être réutilisés afin de faciliter la tâche des autres développeurs (StackOverflow, bonjour). Cela permet notamment de ne pas “réinventer la roue”.
Ces types de “briques” sont mises à disposition parfois par les créateurs de langages de programmation eux-mêmes, dans une documentation, notamment.
Un programme complet est composé de plusieurs “briques”, adaptées aux besoins du projet lui même. Par exemple, vérifier qu’une adresse postale est correcte se fera de manière similaire d’un pays à l’autre mais un code postal luxembourgeois aura 4 chiffres alors que le code postal français en a 5. Le programme devra donc être adapté en conséquence.
Réutilisation du code
Pour appliquer la loi, lorsqu’un client (ou un autre employeur) demande à un développeur une fonctionnalité qu’il a déjà développée, celui-ci devrait recommencer, sans réutiliser les lignes de code déjà créées lors du projet précédent/concurrent. Cette pratique est bien sûr rare et, dans le pire (ou meilleur) des cas, fait perdre du temps au développeur mais ne l’empêchera pas de ré-exploiter les méthodes utilisées (et le code) du projet précédent, puisqu’il s’agit de sa propre création.
Tout repose donc sur la différence entre un concept et son code.
D’un point de vue purement technique, il est difficile de reprocher à un développeur la ré-utilisation d’une (ou plusieurs) fonctionnalité(s) développée(s) auparavant, à moins que celles-ci soient très spécifiques.
Toutefois, le concept même d’une fonctionnalité peut être protégé, par le biais d’un brevet notamment (par exemple pour protéger un algorithme).
Dans un tel contexte, le développeur n’aurait alors pas le droit de ré-utiliser son travail tel quel.
La subtilité se situe entre le code, “traduction” d’une idée, et l’idée elle-même. À titre de comparaison, un distributeur de boisson ne pourra pas utiliser la forme d’une bouteille Coca-Cola mais on ne pourra l’empêcher d’utiliser du verre pour créer une bouteille d’une autre forme.
Et l’intelligence Artificielle dans tout ça ?
La situation autour des Intelligence Artificielles est destinée à évoluer.
Au moment où j’écris ces lignes, une Intelligence Artificielle telle que ChatGPT ne possède pas de droits de propriété intellectuelle sur le code qu’elle génère. En effet, la création de textes à partir de modèles de langage est un processus automatisé qui utilise des données d'entraînement pour prédire la prochaine séquence de mots en fonction du contexte. Le code généré par ChatGPT est donc le résultat d'un processus algorithmique qui ne peut pas être considéré comme une création originale protégée par les lois sur la propriété intellectuelle.
Toutefois, les données d'entraînement utilisées pour former ChatGPT peuvent être soumises aux lois sur la propriété intellectuelle. Par exemple, si les données d'entraînement contiennent des textes eux-mêmes protégés par des droits d'auteur, l'utilisation de ces textes pour former ChatGPT peut être considérée comme une violation de la loi sur le droit d'auteur. Il est donc important de s'assurer que les données d'entraînement utilisées pour former des modèles de langage sont libres de droits ou obtenues avec l'autorisation du détenteur des droits d'auteur.
C’est en partie pour cette raison (et d’autres) que l’Italie a décidé, le 31/03/2023, d’être le premier pays à bloquer chatGPT.
Par ailleurs, si le contenu généré par une Intelligence Artificielle comme ChatGPT ou encore Midjourney est une nouvelle création artistique ou littéraire, il peut être protégé par les lois sur le droit d'auteur. Dans de tels cas, les droits d'auteur appartiendraient à l'auteur du « prompt » ayant permis la génération du texte par ChatGPT, plutôt qu'à ChatGPT lui-même.
En fin de compte, il est important de reconnaître que la propriété intellectuelle est un domaine complexe et en constante évolution. Les lois et règlements varient selon les pays et les juridictions. Finalement, les domaines de la rédaction, création, ou encore la programmation sont des thématiques dont les fondations tant techniques que juridiques sont à l’aube d’une véritable révolution.